Le nom "asbeste" emprunté au latin "asbestos" a pour origine l'adjectif grec
α ́σϐεστος qui signifie "feu inextinguible".

Depuis l'Antiquité, l'amiante est connu et utilisé pour ses propriétés physiques et chimiques exceptionnelles :
- incombustibilité,
- forte résistance aux températures extrêmes,
- résistance mécanique élevée à la traction,
- résistance électrique élevée,
- résistance aux agressions chimiques et aux micro-organismes,
- pouvoir absorbant,
- flexibilité et facilité à être tissé.
Tesson avec fibres d'amiante

Tesson peigné et tesson simple avec fibres d’amiante dépassant de la tranche

© K. Peche-Quilichini, Cullettività di Corsica - Collectivité de Corse, Musée de l'Alta Rocca

Kewin Peche-Quilichini,"De la signature technique à la signature ethnique", Archéopages, 45 | 2018, 20-31.

Utilisation de l'amiante à travers le temps

Préhistoire et Antiquité

Les plus anciens vestiges de poteries en fibres d'amiante mélangées à de l'argile et à du limon ont été mis au jour près du lac Juojärvi en Finlande, près de la frontière russe. Les archéologues font remonter ces vestiges au Néolithique, il y a environ 4 000 ans (Wessex Archaeology, 2019).

Des fibres d’amiante sont ensuite retrouvées dans des sépultures de l’Égypte antique puis on en trouve la trace dans les civilisations grecque et romaine, où elles étaient tissées, parfois mêlées à des fibres végétales, pour confectionner des linceuls, des nappes et des vêtements.

En Corse, de nombreuses études archéologiques attestent de l'utilisation de l'amiante dans les céramiques. Les matrices argileuses des productions locales incluent presque systématiquement de l’amiante, sous forme pulvérulent ou fibreux, intégré de façon volontaire pour servir de dégraissant (Peche-Quilichini, 2017).  La distribution chronologique de ce phénomène s’étale entre le milieu du second âge du fer (Jehasse, 1975) et l’époque alto-impériale (Moracchini-Mazel, 1971 ; Arcelin, 2013) avant un hiatus qui dure jusqu’à la fin du Moyen Âge (Istria, 2007). La tradition de la production dégraissée à l’amiante se prolonge en Corse de génération en génération jusqu’au début du XXe siècle (Chiva, Ojalvo, 1959).

Tout au long du Moyen Âge et de la Renaissance, l’amiante est utilisé de manière anecdotique ou comme une curiosité. Des étoles et des ceintures en fibres d’amiante sont offertes aux seigneurs, souvent faussement présentées comme étant tissées à partir des poils blancs d'une salamandre mythologique, censée vivre dans les flammes et ne mourir que lorsque le feu s’éteint.

L'anecdote peut-être la plus célèbre – concernant l'utilisation de matériaux en amiante – est celle de l'empereur Charlemagne, qui intriguait ses invités de marque en faisant jeter les nappes d'amiante au feu pour les nettoyer.

Jusqu'au XIXe siècle, des fibres d'amiante étaient incorporées dans les poteries ou utilisées pour confectionner des tissus extrêmement résistants.

Calorifugeage d'une conduite

Calorifugeage d'une conduite de friche industrielle

© Gael Kerbaol, INRS

L'utilisation de l'amiante à grande échelle a commencé à partir du XIXe siècle

L’essor industriel a réellement lieu à la fin du XIXe siècle, avec le développement de nombreuses filatures. Puis à partir de 1900, quand l’ingénieur autrichien Ludwig Hatschek crée l’"Eternit" en mélangeant de la fibre d’amiante à du ciment pour fabriquer un matériau "magique" pour la construction, à la fois renforcé et résistant au feu. Son brevet est vendu à des industriels du monde entier et l'usage de ce matériau dans le BTP connaît un développement exponentiel.

L'amiante a été massivement utilisé dans les bâtiments :

  • En calorifugeage pour isoler des canalisations – équipements de chauffage d’eau chaude sanitaire (sous-sol).
  • En flocage – matériau d’isolation par projection.
  • L'amiante-ciment a été utilisé en plaques – plaques ondulées pour les toitures et les bardages – tubes ou conduits – tuyaux rugueux gris pour les canalisations, les descentes des eaux pluviales, les vide-ordures.
  • En dalles vinyle-amiante pour les revêtements de sol en damier des salles de bains, des toilettes, des cuisines.

L'amiante sera également utilisé dans l'industrie automobile et ferroviaire pour les garnitures de freins, les pots d'échappement, les joints et les garnitures des fenêtres et des wagons.

Son utilisation est vaste, massive et les fibres seront incorporées jusque dans les enrobés bitumineux des routes pour éviter les fissures et les nids-de-poule.

Ces mélanges d’amiante et d’autres produits sont encore très présents dans de nombreux bâtiments et sur des sites industriels. Ils le sont souvent sans être repérables visuellement.

Parmi eux, l’amiante-ciment a été le matériau le plus utilisé.

En France, l'utilisation de l’amiante a atteint son plus haut niveau dans les années 1970, avec environ 150 000 tonnes par an. Elle a ensuite été progressivement restreinte jusqu'à son interdiction totale en 1997, date correspondant également à l’interdiction de fabriquer et d’importer de produits amiantés. Cependant, il subsiste des matériaux amiantés, en particulier dans les bâtiments, mais aussi dans certains revêtements routiers dont le recyclage a pu être pratiqué jusqu’en 2013.

Mine de Canari

Mine de Canari

©BRGM Charlène Coutin

L'exploitation minière

L'exploitation minière à grande échelle a débuté au XIXe siècle, lorsque les fabricants et les constructeurs ont commencé à utiliser l'amiante de manière massive pour son prix abordable, et ses propriétés physico-chimiques.

Gisements d'amiante en France

Pendant quelques décennies, la France a été un petit producteur d'amiante avec des carrières en Corse et en Savoie, dans la vallée de la Maurienne. Les derniers sites ont été fermés dans les années 1980.

Des gisements non exploités existent dans les Alpes (Savoie et Hautes-Alpes), les Pyrénées (Ariège et Haute-Garonne), le Massif central (Haute-Loire et Haute-Vienne), en Corse et en Loire-Atlantique.

La carrière de Canari en Haute-Corse

Le site d'exploitation est situé sur les communes de Canari et d'Ogliastro, sur la côte ouest du cap Corse, localisé à peu près à mi-chemin entre Albo et Canari, à 16,5 km environ au nord de Nonza et au bord du golfe de Saint-Florent.

La production de Canari passe du stade artisanal à une échelle industrielle à partir de 1939. L’usine produit 6 000 tonnes en 1950, 11 500 tonnes en 1954 avec la mécanisation et jusqu’à 25 500 tonnes en 1962.

La carrière place alors la France au septième rang des pays producteurs d'amiante et couvre le cinquième des besoins du marché intérieur, le reste étant importé et une partie vendue à l'étranger.

La carrière fournissait la quasi-totalité de la production nationale d’amiante avant la fermeture du site en 1965.
 

Production d'amiante dans le monde

Production d'amiante dans le monde

Tonnages des années 2021 et 2022

 

BRGM, 2023

À partir des données de l'International Ban Asbestos Secretariat et de l'USGS

L'amiante dans le monde actuel

Interdites en France et dans plus de 60 pays, la production et l’utilisation de l’amiante perdurent pourtant dans le monde.

Le commerce de l’amiante mondial a d’abord été l’apanage du Canada, et particulièrement du Québec, au début du XXe siècle. Il s’est ensuite développé mondialement, l’URSS, l’Afrique du Sud, l’Italie puis le Brésil devenant de grands producteurs.

Aujourd'hui, le grand axe du commerce de l'amiante Canada-États-Unis-Europe est donc remplacé par l'axe Russie-Inde-Chine et le commerce jadis florissant en Europe et en Amérique du Nord exerce désormais ses ravages en Inde, en Chine et dans les pays du sud-est de l'Asie ainsi que dans les pays de l'ex-URSS.

Le Canada ayant cessé d'extraire de l'amiante, et le Brésil prenant la même voie, la production mondiale d'amiante est désormais concentrée dans trois pays : la Russie, le Kazakhstan et la Chine, les deux premiers étant d’importants exportateurs.

Les dernières mines d’amiante canadiennes ont fermé en 2012. Puis, quelques années plus tard, fin 2018, le gouvernement a annoncé l’interdiction de fabriquer tous produits contenant de l’amiante, de même que l’importation et l’exportation desdits produits.

Carte des pays producteurs d'amiante

Carte des pays producteurs d'amiante

À partir des données 2021 & 2022

BRGM, 2023

Édité à partir des données de l'USGS

La  Russie extrait annuellement environ 700 000 tonnes d'amiante, soit un peu plus de la moitié de la production annuelle mondiale. Elle exporte plus des trois quarts de sa production, d'une part vers les pays d'Asie (Chine, Inde, Indonésie, Thaïlande, Vietnam)  et, d'autre part, vers les pays anciennement soviétiques (Ukraine, Biélorussie, Ouzbékistan, etc.). La Russie a diminué sa consommation d'amiante, mais celle-ci reste néanmoins importante. 

La grande majorité de l’amiante exploité en Russie vient de la ville d’Asbest, autrefois surnommée "la ville mourante" du fait du très grand nombre de cas de mésothéliome recensés.

L’exploitation minière de l’amiante est menée par Ouralasbest, qui n’est autre que le plus grand producteur de chrysotile au monde. La mine au sein de laquelle travaillent les mineurs d’Ouralasbest mesure 12 km de long, presque 3 km de large et descend à 350 mètres de profondeur.

Le Kazakhstan et la Chine arrivent en deuxième et troisième positions avec des productions pouvant aller jusqu'à 200 000 tonnes par an. Il faut noter que ces pays, contrairement au grand producteur historique qu'est le Canada – qui exportait son amiante sans l'utiliser –, sont de grands consommateurs d'amiante.

Bien que l’utilisation de l’amiante soit interdite depuis le 1er janvier 1997, des matériaux contenant de l’amiante sont encore présents dans de nombreux bâtiments construits avant cette date. Ces derniers peuvent libérer des fibres d’amiante dans l’air lorsqu’ils se dégradent ou lorsqu’ils sont soumis à une intervention mécanique (ponçage, cassage, perçage, retrait…). L’inhalation de ces fibres peut provoquer des maladies graves, dont certains cancers.